Chronique d'une Osa

Le soleil tapait dur en cet été, et l’armée avait eu toutes les peines du monde des quinze pour pénétrer dans les magnifiques et verdoyants Canyons Koalaks. Ceux-ci, ne permettant pas d’aligner plus de trois Dragodinde de front par moment, les avait obligé à démonter puis remonter plusieurs fois les chariots de fourniture et de ravitaillement au grès des gémissements et des râles de mécontentement des soldats. C’était une tâche laborieuse qui demandait beaucoup de temps et d’énergie mais qui était néanmoins essentielle si, comme le plan le prévoyait, il fallait tenir un siège dans la vallée de la Mor’khitu.


Ce plan, elle n’en doutait pas, était bon. Mais elle restait perplexe quant à sa finalité. Pourquoi tenir cette zone hostile ou il ne faisait pas bon vivre, quand l’on pouvait se battre pour les riches terres de Sufokia, ou l’on pouvait se faire frire des poissons à volonté, ou les prairies fertiles de Cania et ses magnifiques champs de blé, d’orge, d’avoine… ? Personne ne le lui avait dit, mais elle ne se leurrait pas, elle n’était qu’un troufion de base et n’avait pas plus d’importance qu’un autre aux yeux du haut commandement.


Ce même commandement lui avait d’ailleurs confié une tâche assez simple et elle ne se cachait pas de faire languir ses amis qui eux devaient nettoyer les écuries temporaires, creuser des tranchées, charger des pierres sur des chariots ou encore pire, supporter les ordres d’un haut dignitaire gâteux et vicelard qui ne pensait qu’à foutre, manger et dormir. Sa tâche consistait à retourner, chaque jour,  à l’entrée des Canyons pour relever le guet de nuit afin de surveiller à son tour le village Koalak. Au moindre signe ennemi, elle devait tourner bride et dévaler le plus vite possible ce labyrinthe  escarpé pour prévenir le capitaine Ozenrol de l’avant-garde dans la première grotte qui menait à la sombre valée.


Ce travail n’était pas dur et il lui plaisait bien. Elle se dorait au soleil tout en reflechissant à des questions existentielles sur les soldes Bontariennes et Brakmariennes comme « Si une paire de bottes mulou est à 50%, dois-je les acheter ? » ou « Si une paire de bottes mulou est à 60% dois-je les acheter ? ». Ne faisant rien de la journée si ce n’est jeter un coup d’œil de temps à autre vers le Zaap, entre deux siestes, deux parties de solitaire, manger des barres de céréales volées au camp ou s’occuper de Babouche, sa belle Dragodinde prune émeraude, elle n’était vraiment pas à plaindre. Brave petite Osa qu’elle était...  


C’est d’ailleurs lors d’une de ses partie de solitaire qu’elle aperçut une étrange fumée portée par le vent qui se reprochait doucement de son lieu de guet. Ne prenant pas le temps  de ranger ses cartes, elle se leva, invoqua un Bouftou avec hâte pour retarder la fumée puis fila vers Babouche qu’ elle enfourcha pour s’enfuir à travers le canyon.

A quand une suite ? :3